Rénovation énergétique de biens de rendement

La rénovation énergétique, le bon plan?

01.04.2022 | 3 minutes

En Suisse, 24% des émissions de gaz à effet de serre provient des habitations. Il n’est alors pas surprenant d’apprendre, que près de 60% des maisons individuelles et que 70% des immeubles locatifs sont chauffés aux énergies fossiles et que plus d’un million de ménages (sur environ 1,7 million au total) vivent dans un lieu peu ou mal isolé. Il est donc plus que nécessaire de s’en occuper.

La confédération et les cantons aident financièrement les propriétaires d’habitation effectuant cette démarche. Pour pouvoir bénéficier de cette aide, il faut prouver une amélioration de l’efficacité énergétique du bâtiment et une réduction de ses émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, un bâtiment efficient

  • consomme moins de ressources (électricité, fioul, gaz, bois…), étant donné que les différents appareils (chauffage, climatisation, chauffe-eau, cuisines, salle de bains, éclairage, ascenseur) exploitent mieux l’énergie,
  • nuit moins à l’environnement avec des gaz à effet de serre, en raison de l’utilisation exclusive d’énergies renouvelables, voire à l’autoproduction énergétique.

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Les piliers de la stratégie énergétique 2050 de la Suisse

  • Sortie progressive du nucléaire.
  • Obligation de réduction de moitié des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport aux émissions de 1990), conformément aux Accords de Paris sur le climat.
  • Zéro émission nette de gaz à effet de serre en 2050.

D’après le Fonds national suisse, seules 1% des habitations actuelles en Suisse sont rendues efficientes chaque année. Cette progression annuelle doit plus que doubler pour que les objectifs de la stratégie énergétique 2050 soient atteints au niveau immobilier.

Au rythme actuel, le «zéro émission nette» ne sera atteint par la Suisse que vers 2150. Plus on prend de retard et plus la capacité du secteur du bâtiment sera réduite. Les travaux de rénovation et de transformation courants accaparent déjà ce secteur.

Où est le souci?

Pourquoi y a t-il un tel retard? Pourquoi aussi peu de propriétaires se lancent-ils dans des travaux de rénovation malgré l’aide financière? Monsieur et madame tout le monde se soucient-ils aussi peu de l’environnement? L’heure est venue de traquer les raisons à l’origine de tout.

Raison possible n°1: en attente de technologies plus performantes

L’amélioration de l’efficience énergétique et la réduction des gaz à effet de serre dépendent des technologies en usage. Elles sont continuellement améliorées, plus performantes et moins chères. Il est donc compréhensible que des gens repoussent les travaux d’un an, afin de profiter des avancées technologiques leur permettant d’avoir plus d’énergie à un prix plus bas, et de profiter d’un marché arrivé à maturité.

Ce n’est pourtant pas le cas, en réalité. Ne serait-ce que parce qu’il ne s’agit que d’avancées mineures. La technologie va certes continuellement s’améliorer au sens du CECB (Certificat énergétique cantonal des bâtiments), mais ça ne sera qu’à la marge, il ne faut donc pas en attendre une révolution. Quelques exemples:

  • Ces 10-15 dernières années, le photovoltaïque est devenu 5 fois moins cher, mais pas forcément 5 fois plus performant. La baisse des prix est due aux économies d’échelle, à une hausse de la concurrence et à une rationalisation de la fabrication. Le silicium sera encore utilisé comme semi-conducteur dans le photovoltaïque pendant un certain nombre d’années et en équipera encore une grande partie de la production. Des semi-conducteurs comme l’arsénium de gallium (de formule chimique GaAs) ont beau être plus performants, ils sont plus chers et contiennent des éléments dangereux pour la santé (arsenic dans le cas présent). Le GaAs est toutefois utilisé dans certaines applications particulières pour lesquelles la question financière ne se pose pas, comme pour l’approvisionnement énergétique des satellites. Le silicium restera encore le choix par défaut pour les cellules photovoltaïques pendant un moment. Aucune avancée majeure ne pointe à l’horizon et les prix ne devraient pas chuter de façon significative.
  • Isolation thermique: il en va de même pour les isolants de façade. Ils sont constamment améliorés et rendus plus performants. Néanmoins, le matériau miracle qui serait deux fois plus compact, quatre fois moins cher et isolerait deux fois mieux n’est pas encore à portée de main.
  • Chauffage: les chaudières à biomasse et les pompes à chaleur sont des technologies maitrisées qui sont sans cesse améliorées et de plus en plus performantes. La révolution n’est pas pour demain ici non plus.
  • Fenêtre: le triple vitrage est devenue la norme dans les faits. La recherche se concentre sur le développement d’une vitre intelligente: Il est possible que nous ayons bientôt des fenêtres qui régulent d’elles-mêmes la luminosité d’une pièce en fonction du moment de la journée, de même que de la température.

Raison possible n°2: seuls les rendements à court terme sont pris en compte

L’investissement pour une rénovation énergétique peut être conséquent sur les bâtiments anciens et constituer un frein financier à cette entreprise au premier abord.

Seulement, l’amortissement dans le temps ainsi que les coûts en capital sur la portion de l’investissement générant une plus-value peuvent être répercutés sur les locataires. Cette portion doit représenter un montant forfaitaire minimum de 50 à 70% de l’investissement effectué. En plus, comme les investissements énergétiques sont déductibles des impôts, la hausse du loyer couvre en général les coûts initiaux.

Voici un exemple chiffré:
Imaginons que vous décidiez de remplacer votre chauffage au fioul par une pompe à chaleur aérothermique dans votre immeuble d’habitation. Étant donné que le système de chauffage actuel est arrivé en fin de vie, le calcul se présente de la façon suivante:

Investissement pour le remplacement d’une chaudière au fioul pour une pompe à chaleur aérothermique

100 000 CHF

Modernisation d’une chaudière au fioul

./. 40 000 CHF

Investissements pour une pompe à chaleur

60 000 CHF

Réduction sur les 60 000 CHF de frais supplémentaires (au taux plafond d’imposition de 33%)

./. 20 000 CHF

Investissements nets pour une pompe à chaleur

40 000 CHF

Hausse du loyer (par an)

3000 CHF environ

Rendements nets

7,5%

En investissant 100 000 CHF dans une pompe à chaleur aérothermique, il est possible d’augmenter le loyer à hauteur de 3000 CHF par an. En partant du principe qu’une modernisation d’un chauffage à énergie fossile coûte déjà 40 000 CHF, le reste à investir ne représente que 60 000 CHF. Si on déduit en plus la taxe au taux plafond de 33%, cela ne représente au final que 40 000 CHF. Les rendements effectifs sont de 7,5%. Avec un taux de perte de valeur de 4% par an (soit une durée de vie de 25 ans), la rénovation est une bonne opération pour vous.

Les frais d’exploitation seront sensiblement plus bas après la rénovation. Les locataires se trouvent être gagnants également, étant donné que la hausse du loyer est compensée par cette baisse des coûts.

Raison possible n°3: respect des délais de résiliation

Il est possible d’effectuer un rénovation partielle qui se limite aux questions d’ordre énergétique (au niveau du chauffage ou de l’isolation) Si toutefois il faut également remplacer une bonne part de la partie technique du bâtiment, ou qu’il faut procéder à une modernisation de la façade, alors il est indispensable de procéder à lune rénovation totale avec résiliation de tous les contrats de location qui s’accompagne d’un risque de plaintes. Une rénovation intégrale est aussi parfois recherchée pour des raisons purement financières et non pas seulement pour une question de structure du bâtiment. Il vous faut tabler sur deux à trois années de loyers perdus pour la durée des travaux. Ici, la hausse du loyer peut être encore plus élevée après la rénovation par rapport à une rénovation partielle en raison à la fois de la hausse de la qualité énergétique du bien ainsi que de l’ajustement des loyers aux prix habituels du marché.

La rénovation intégrale se révèle rentable lorsque le montant de la plus value excède celui des coûts de rénovation. Avec un loyer moyen supérieur de 40% pour un bien neuf par rapport à un bien identique datant des années 70, la différence au niveau du loyer d’un trois pièces est de 500 CHF par mois. Pour un investissement de 150 000 CHF, cela correspond à un rendement de rénovation de 4% par habitation. Il est possible d’atteindre des rendements plus élevés, en augmentant la surface de location ou en améliorant l’occupation du bien immobilier. Le potentiel de hausse des loyers devrait être d’au moins 30% d’après les calculs du CIO d’UBS.

Tout cela dépend fortement de l’emplacement de votre bien: Une rénovation intégrale est particulièrement intéressante pour les bâtiments anciens ayant besoin d’être rénovés et se situant dans un quartier central ou dans des agglomérations à forte croissance, étant donné que la hausse de la qualité et la hausse des loyers sur le marché devraient y être particulièrement élevées et que le risque de vacance est faible.

C’est bien moins intéressant en périphérie et certains endroits de l’agglomération étendue, où la proportion de surfaces inoccupées est supérieure à la moyenne. Bien qu’il existe une demande pour ces biens de qualité supérieure, seul un petit nombre d’entre eux trouverons preneur. Le potentiel de hausse du loyer est donc réduit. S’il n’est pas possible d’appliquer cette hausse, les rendements effectifs des loyers en pâtissent et l’investissement énergétique est une mauvaise opération financière pour le propriétaire.

Une locataire d’habitation efficiente regarde au loin depuis le balcon
Back view woman in backlight standing at the window at home looking out

Quelques bonnes raisons de procéder à une rénovation énergétique de votre bien de rendement

Ces raisons ne doivent pas vous dissuader de faire une rénovation énergétique de votre bien de rendement. Les bonnes raisons ne manquent pas:

Rendements à long terme

Une rénovation intégrale permet des rendements clairement plus élevés pour des biens situés dans des quartiers centraux qu’un bien nouvellement acquis.Une rénovation énergétique partielle peut engendrer des rendements importants au moyen de déductions fiscales, de subventions et d’ajustements de loyers.

Le financement par des acteurs tiers génère souvent des rendements sur capital propre en cette période de taux bas, de l’ordre de la dizaine de pour cent.Vous n’avez pas assez de liquidités pour une rénovation énergétique? De nombreuses banques proposent des prêts spéciaux pour la modernisation énergétique, ou bien proposent des prêts normaux à taux préférentiel.

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Choix politiques possibles: du soutien à l’interdiction

À moins d’un durcissement des conditions cadre, l’objectif intermédiaire vers la neutralité carbone ne devrait pas être atteint en 2030.

Il faut tabler à moyen terme sur des interventions politiques plus fortes prenant la forme d’interdictions et de taxes pour accélérer le processus de remplacement.

Ce qui veut dire que les rénovations énergétiques ne seront plus encouragées comme auparavant par des subventions, mais feront l’objet de contraintes plus ou moins drastiques.

De plus, une éventuelle interdiction des systèmes de chauffage à énergie fossile ainsi qu’une hausse de la demande pour des systèmes de chauffage alternatifs devraient déclencher des problèmes de capacité dans l’industrie du bâtiment, ce qui devrait rendre les coûts de rénovation plus élevés. Il y a en plus des pénuries au niveau de la livraison, qui sont normalement à mettre sur le compte de crises imprévisibles que ce soit au niveau diplomatique, sanitaire ou économique. Ces crises peuvent conduire à un tarissement et à une hausse du prix du fioul ou du gaz.

En tant que propriétaire d’un immeuble d’habitation, vous seriez avisé-e de rénover votre bien de rendement sans plus attendre et de prévoir cette démarche avec suffisamment d’avance.

Meilleure prise de conscience des questions écologiques par les locataires

Plus rapidement vous remplacerez votre chaudière au fioul par une pompe à chaleur (par exemple), et plus les générations présentes comme futures vous remercieront. Vous ferez aussi le bonheur de vos locataires grâce à la baisse des coûts de chauffage. Les gains financiers engendrés par les énergies renouvelables sont d’autant plus grands si l’énergie utilisée par la pompe à chaleur est produite par le bâtiment lui-même ou par des panneaux photovoltaïques. Vous n’aurez pas à vous justifier auprès de vos locataires que vous remplacez le système de chauffage, mais plutôt si vous ne le faites pas, en fait. Un peu comme ce qu’il s’est passé ces dernières années avec les demandes de durabilité pour les caisses de pension et les biens de consommation courante.

En conclusion

La rénovation énergétique d’un bien de rendement bénéficie aux trois acteurs concernés: l’environnement, le propriétaire et le locataire. L’environnement et la société dans son ensemble sont gagnants lorsqu’un bâtiment rénové produit moins de pollution au quotidien. Les propriétaires peuvent faire augmenter la valeur marchande de leur bien de rendement, lorsque le montant de l’investissement est financé par la hausse des revenus issus des loyers.

Les locataires se trouvent être gagnants également, étant donné que la hausse du loyer est compensée par cette baisse des coûts.


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